Communiqué du 18 février 2015 : L’avion militaire Rafale vient de remporter son premier contrat à l’export, vingt-sept ans après son lancement en 1988. En effet l’Égypte a signé ces jours-ci un contrat pour l’achat de 24 avions, une frégate et des missiles de courte et moyenne portée, pour plus de 5 milliards d’euros. Après plusieurs échecs de négociations avec le Maroc, Singapour, la Corée du Sud ou le Brésil, ce contrat signé en Égypte semble une aubaine pour l’industrie française et particulièrement pour les sociétés d’armement (Dassault Aviation, Lacroix, Sagem…).
Cette vente est présentée par l’ensemble de la classe politique et des médias comme un succès économique. Pourtant l’accord prévoit que la Coface, organisme français d’assurance-crédit, garantira 50% de la commande, hors paiement de l’acompte, qui représente en général 15% du montant de ce genre de contrat. Le Caire, qui souhaitait au départ une garantie portant sur 90% du montant hors acompte, aurait ainsi accepté de revoir ses prétentions à la baisse. La France a tellement intérêt à réussir une première vente de Rafale qu’elle aide l’Égypte dans toutes les étapes du projet, du financement jusqu’à l’assurance.
La vente est de 5,2 milliards d’euros, un montant pour le moins élevé pour un pays en pleine crise économique et sous assistance économique américaine. Certains, bien informés, se demandent comment le premier acheteur de Rafale va payer la facture. L’Égypte est historiquement le deuxième bénéficiaire des aides américaines, derrière Israël : entre 1948 et 2011, l’Égypte a reçu 71,6 milliards d’euros d’aides. Mais elle est aussi soutenue financièrement par l’Arabie Saoudite, le Qatar et le Koweït, qui achètent ainsi une stabilité régionale, et par des organismes internationaux (Banque mondiale, FMI). Bref, l’Égypte est sous subvention depuis un demi-siècle.
De plus, l’Égypte est confrontée à une autre menace qui se dessine de plus en plus clairement. Le dérèglement climatique fait sentir ses effets sur un pays surpeuplé et fragile : températures toujours plus contrastées, avec des hivers plus froids et des étés plus chauds, entraînant des températures insupportables au-delà de 40°C, pollution dans les villes de plus en plus peuplées, baisse de la production des céréales vivrières, blé, riz, maïs, rareté de l’eau notamment dans le delta du Nil, tout ceci avec une population de 85 millions qui continue à croître à un rythme très rapide… Les cinq milliards d’euros des Rafale ne seraient-ils pas mieux employés à des projets de vie et de développement comme le soutien aux petits paysans pour qu’ils vivent de leur terre ? Mais c’est la vue à court terme qui prédomine et la guerre qui s’impose.
Et même si cette vente était un succès économique, le MAN s’interroge sur les implications diplomatiques et morales de cette livraison d’armes de guerre. Par ce contrat, Paris entérine des relations avec un allié dans la région mais brouille le message de soutien aux mouvements démocratiques arabes. En effet la liste des atteintes faites aux droits de l’Homme en Égypte s’allonge chaque jour. Les manifestations sont violemment réprimées avec des tirs à balles réelles, quand elles ne sont pas interdites, et les condamnations à mort sont prononcées massivement. Ce que dénoncent les associations Amnesty International et Human Rights Watch.
Ces armes de guerre serviront dans le cadre de la politique étrangère de l’Égypte, notamment en Libye. Loin de participer à la sécurité d’une région instable, cette vente vient donc une nouvelle fois engager la responsabilité de la France dans la détérioration de la situation internationale. Les dernières interventions militaires, que ce soit en Irak, en Afghanistan, en Libye ou au Mali, ont montré que loin de combattre et d’affaiblir le terrorisme, elles l’alimentent.
Le MAN appelle à la reconversion du secteur de l’armement au niveau européen et incite la France à l’exemplarité en cessant toute vente d’armes.
Source : http://nonviolence.fr/spip.php?article959