En plein paroxysme de la crise syrienne et de l’hystérie guerrière qu’elle a développée, un hommage vibrant a été rendu au pasteur Martin Luther King comme défenseur des droits civiques. C’est bien que sur ce point, il soit devenu, avec le temps, politiquement correct pour ne pas dire exemplaire. Par contre il est extrêmement dommageable que l’histoire officielle efface la partie essentielle de son combat qui fut le sien, tout au long de sa vie, contre les fléaux que sont le racisme certes mais aussi l’exploitation économique et surtout le militarisme.
Il faut dire qu’outre son engagement dans la non-violence, en particulier dans l’International Fellowship of Reconciliation – IFOR (dont le Mouvement International de la Réconciliation représente la branche française ) celui qui devint prix Nobel de la Paix avait exprimé son aversion pour la violence sous toutes ses formes mais plus particulièrement contre les guerres.
Le président Barack OBAMA, qui, ce 28 juillet, a commémoré le discours de Washington «I have a dream » aurait dû se souvenir que la presse américaine, dans son ensemble, avait attaqué le pasteur dans des éditoriaux plus que violents suite à ses positions contre la guerre qu’il avait énoncé dans un discours prononcé à l’Eglise de Riverside à New York début avril. Le sermon que Martin Luther King prononça le 30 avril 1967 dans le temple de l’église baptiste Ebenezer d’Atlanta et que le prédicateur avait intitulé : «Pourquoi je suis opposé à la guerre du Vietnam» lui valu d’être qualifié par le magazine Life de script de Radio Hanoi…
Ce sermon prend tout son sens dans le contexte guerrier actuel et l’ensemble de nos dirigeants seraient bien inspirés d’écarter Clausewitz pour le lire et le méditer . Si le discours « I have a dream » reste un exemple en vue de relations apaisées entre communautés, la prédication du pasteur dans le temple d’Atlanta restera celui qui pourra , ouvrir les conscience à des manières de faire et d’être à l’opposé de celles qui orientent, tout un chacun, à devenir des artisans de mort…
Ecoutons le pasteur King à travers les extraits de ce sermon : « Ce qui m’inspire n’est pas la colère mais la crainte et le chagrin, et le profond désir de voir notre pays bien-aimé être un exemple moral pour le monde. Je m’oppose à cette guerre parce que je suis déçu de l’Amérique. Je suis déçu de constater notre incapacité à nous attaquer positivement et avec franchise aux trois maux que sont le racisme, l’exploitation économique et le militarisme. Nous nous sommes engagés dans une impasse qui pourrait conduire à un désastre national. L’Amérique sombre dans le racisme et le militarisme.
(..)J’en appelle à tous les hommes et à toutes les femmes de bonne volonté de l’Amérique tout entière. J’en appelle à tous les jeunes Américains qui doivent faire un choix aujourd’hui, qui doivent prendre position sur cette question. Demain, ce sera peut-être trop tard. Et ne croyez pas ceux qui vous disent que Dieu a choisi l’Amérique en tant que force divine et messianique destinée à être le gendarme du monde. Dieu a sa façon de juger les nations et je l’entends dire à l’Amérique: «Tu es trop arrogante et si tu ne modifies pas ta politique, je vais me révolter et briser les fondements de ton pouvoir et le placerai entre les mains d’une nation qui ne connaît même pas mon nom. Reste tranquille et sache que je suis Dieu.»
(..)Je n’ai pas perdu la foi parce que l’arc de l’univers moral est long mais qu’il est tendu vers la justice. Je peux encore chanter «Nous vaincrons» car Carlyle avait raison lorsqu’il écrivait: «Aucun mensonge ne peut vivre éternellement.» Nous vaincrons parce que, comme l’écrivait à juste titre William Cullen Bryant, «une vérité que l’on écrase à terre se redressera.» […] Nous vaincrons parce que, selon la Bible, «on récolte ce qu’on a semé».
Avec cette foi, nous serons capables de tailler dans la montagne de désespoir une pierre d’espoir. Avec cette foi, nous transformerons les dissonances criantes de notre monde en une belle symphonie fraternelle. Avec cette foi, nous hâterons la venue du jour où la justice déferlera comme les eaux et la droiture comme un flot puissant. Avec cette foi, nous hâterons la venue du jour où le lion et l’agneau se côtoieront paisiblement et où chaque homme pourra s’asseoir au pied de son cep de vigne ou de son figuier et où personne n’aura plus peur parce que le Seigneur aura parlé. Avec cette foi, nous hâterons la venue du jour où nous pourrons nous donner la main dans le monde entier et chanter les paroles du vieux negro spiritual «Enfin libres! Enfin libres! Dieu soit loué, nous sommes enfin libres!» […] Les hommes transformeront leurs épées en socs et leurs lances en ébranchoirs. Les nations n’attaqueront plus les autres nations et les hommes n’apprendront plus à faire la guerre.
Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, mais moi, je n’apprendrai plus à faire la guerre ».
Quoi dire de plus dans le contexte actuel…
Jean-Paul NUNEZ (Co-président du MIR France)