Nous avons choisi le jeûne, la prière et le partage non seulement parce que ce sont des pratiques communes aux religions, mais aussi parce qu’elles peuvent unir tous les individus de bonne volonté.
Vous pouvez vous associer du 7 au 14 mars à cet appel :
● Individuellement, en vous engageant à jeûner chez vous le temps d’un repas le jour que vous aurez choisi (par exemple le mercredi ou le vendredi pour un chrétien ; le lundi ou le jeudi pour un musulman…).
● Collectivement, en organisant une rencontre interreligieuse (repas, prière…) dans votre communauté ou association, avec vos voisins (de toutes confessions), vos amis, en famille… en osant inviter des personnes de confessions différentes. Une manière de créer ensemble de nouveaux réseaux contre la violence et la division.
Père Patrice Gourrier,
Mohammed Chirani,
Rabbin Avraham Weill,
Matthieu Ricard.
> Pour nous rejoindre :
Si vous acceptez de vous associer à cette initiative, votre nom sera inscrit sur une carte de France qui paraîtra dans La Vie.
Merci pour cela de répondre d’ici le 25 février, en précisant bien votre nom et votre ville, soit en commentaire sous cet appel, soir en écrivant à v.durand [arobase] lavie.fr
Mohammed Chirani, musulman, et Patrice Gourrier, prêtre catholique, veulent rassembler un large courant d’opinion avec un appel interreligieux au jeûne, à la prière et au partage contre la division et la violence. Ils ont été rejoints par le rabbin Avraham Weill et le moine bouddhiste Matthieu Ricard. La Vie les soutient.
L’un est musulman, l’autre chrétien. Mais tous les deux ont réagi à l’actualité avec une conviction commune : il y a un combat spirituel à mener face à la violence. C’est dans un studio radiophonique, à RMC, où ils sont chroniqueurs, que Mohammed Chirani et Patrice Gourrier se sont rencontrés. Mohammed Chirani a été délégué du préfet pour les quartiers sensibles de Seine-Saint-Denis de 2009 à 2013. Il est l’auteur de Réconciliation française. Notre défi du vivre ensemble, paru en janvier 2014 (éditions François Bourin). À 37 ans, il est l’un des représentants de cette nouvelle génération désireuse de conjuguer islam et laïcité, spiritualité et action. De former aussi les jeunes musulmans à une vision juste de l’islam. Prêtre du diocèse de Poitiers, Patrice Gourrier, psychologue clinicien, anime un centre de méditation. Soutenu par La Vie, leur appel pour jeûner ensemble a été très vite rejoint par le rabbin Avraham Weill et le moine bouddhiste Matthieu Ricard.
Pourquoi lancez-vous cet appel ?
Patrice Gourrier : Face à l’horreur des attentats de Paris, mais aussi des événements plus récents comme l’exécution du pilote jordanien, il me semble nécessaire d’évoquer la question du mal. Chez les catholiques, le diable – que l’on appelle aussi le diviseur – est celui qui se met en travers, non seulement de notre relation à Dieu et des échanges entre êtres humains, mais aussi en travers de nous-mêmes. Les Pères du désert nous enseignent que l’un des moyens de mener le combat intérieur contre le diviseur consiste à jeûner. L’idée m’est ainsi venue de proposer cette démarche aux côtés des autres religions, qui la pratiquent toutes.
Mohammed Chirani : J’ai tout de suite adhéré à ce projet de jeûne porté par les grandes traditions religieuses. Chez nous, aussi bien en France qu’en Algérie, où j’ai vécu dans ma jeunesse et appris l’arabe, il occupe effectivement une place centrale. Nous nous abstenons de nourriture et d’eau durant les journées du mois du Ramadan, mais aussi le dixième jour après le début de l’année selon le calendrier de l’islam, en souvenir du moment où Dieu a libéré les juifs de l’esclavage de Pharaon. C’est pour cela que je suis heureux de pouvoir prendre cette initiative auprès de l’ensemble des fils d’Abraham.
En quoi est-ce important de jeûner dans la situation tendue que nous vivons actuellement ?
M.C. Quand nous nous privons de boire et de manger, du matin au soir, notre corps s’affaiblit, nous pensons davantage à Dieu, nous sommes moins rattachés à la terre et à la matière. Nous devenons plus forts spirituellement et pouvons contenir notre colère. Cette maîtrise me semble vitale pour nous aider à faire face aux événements actuels.
Les chrétiens le perçoivent-ils aussi
comme une force ?
P.G. Tout à fait. Relisons les tentations du Christ au désert et notamment la première qui évoque la faim corporelle. Le diable lui lance : « Si tu es Fils de Dieu que ces pierres se transforment en pain. » Jésus répond alors : « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » Dans cet échange, nous passons d’un registre physique à une dimension plus spirituelle. Se priver de nourriture affaiblit le corps et atténue les passions qui nous divisent. Cette transformation en chacun de nous suscite des évolutions collectives.
Dans l’islam cette dimension communautaire compte-t-elle aussi ?
M.C. Effectivement, le jeûne nous ouvre aux autres, il nous amène notamment à devenir plus généreux vis-à-vis des pauvres. Lorsque nous avons faim, nous éprouvons ce que ressentent ceux qui n’ont pas accès à la nourriture. Nous prenons conscience que nous appartenons à une communauté où sont présents les nécessiteux avec qui nous devons partager.
P.G. Dans le livre d’Isaïe (58, 7), Dieu dit : « Le jeûne qui me plaît, c’est partager son pain avec celui qui a faim, héberger les pauvres sans abri… » Il ne faut pas concevoir le jeûne comme une privation, mais comme une autre manière de donner, de s’abstenir de toutes les passions qui nous dévorent pour nouer une relation plus juste avec les autres. Il s’agit de retrouver la joie du partage.
Vous insistez tous les deux sur la dimension spirituelle. Qu’apporte-t-elle par rapport à des jeûnes thérapeutiques ?
M.C. Il y a un hadith qui explique que « toutes les adorations, la prière, l’aumône, vous les faites pour vous, mais il y a une seule chose qui va directement à Dieu : le jeûne ». Toutes les autres adorations sont visibles. Par contre, personne ne peut savoir si vous ne mangez pas, cela ne regarde que vous et Dieu.
P.G. Le jeûne nous touche au plus intime de notre existence. Le Christ conseille de se cacher lorsque nous jeûnons. Chez les chrétiens, il s’arrête à la fin de l’après-midi pour que l’on puisse aller dîner avec des amis sans se vanter de sa pratique !
Concernant l’appel, vous laissez chacun libre de choisir le jour, pourquoi ?
P.G. Traditionnellement, les catholiques sont invités à se priver de nourriture plutôt le vendredi, jour de la crucifixion du Christ, mais aussi le mercredi, jour où Judas a trahi Jésus. En tout cas, ils ne doivent pas l’effectuer le dimanche.
M.C. Les musulmans le font plutôt le lundi et le jeudi, pas le vendredi. Les juifs, de leur côté, ne souhaitent pas que ce soit durant le shabbat, le samedi. Alors nous avons décidé de laisser chacun libre de choisir le jour qui lui convient afin de répondre à cet appel tout au long de la semaine !