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Appel interreligieux au jeûne, à la prière et au partage contre la violence et la division

Deux mois après les attentats survenus à Charlie Hebdo et à l’Hyper Casher de la porte de Vincennes, aux côtés des réponses nécessaires sur la sécurité, l’éducation, la prévention…, nous croyons qu’il y a un indispensable combat spirituel à mener contre toutes les divisions, qu’elles soient collectives, comme le terrorisme et le radicalisme, ou individuelles, au cœur même de notre être. Les religions, dans le cadre de l’espace laïc, peuvent apporter ces réponses particulières que sont le jeûne, la prière, le partage. Et ce, tous ensemble, ceux qui croient au ciel (chrétiens, musulmans, juifs, bouddhistes…), et ceux qui n’y croient pas.

Nous avons choisi le jeûne, la prière et le partage non seulement parce que ce sont des pratiques communes aux religions, mais aussi parce qu’elles peuvent unir tous les individus de bonne volonté.

Vous pouvez vous associer du 7 au 14 mars à cet appel :

● Individuellement, en vous engageant à jeûner chez vous le temps d’un repas le jour que vous aurez choisi (par exemple le mercredi ou le vendredi pour un chrétien ; le lundi ou le jeudi pour un musulman…).

● Collectivement, en organisant une rencontre interreligieuse (repas, prière…) dans votre communauté ou association, avec vos voisins (de toutes confessions), vos amis, en famille… en osant inviter des personnes de confessions différentes. Une manière de créer ensemble de nouveaux réseaux contre la violence et la division.

Père Patrice Gourrier,
Mohammed Chirani,
Rabbin Avraham Weill,
Matthieu Ricard.

> Pour nous rejoindre :

Si vous acceptez de vous associer à cette initiative, votre nom sera inscrit sur une carte de France qui paraîtra dans La Vie.
Merci pour cela de répondre d’ici le 25 février, en précisant bien votre nom et votre ville, soit en commentaire sous cet appel, soir en écrivant à v.durand [arobase] lavie.fr

© Bruno Levy pour La Vie
© Bruno Levy pour La Vie

Mohammed Chirani, musulman, et Patrice Gourrier, prêtre catholique, veulent rassembler un large courant d’opinion avec un appel interreligieux au jeûne, à la prière et au partage contre la division et la violence. Ils ont été rejoints par le rabbin Avraham Weill et le moine bouddhiste Matthieu Ricard. La Vie les soutient.

L’un est musulman, l’autre chrétien. Mais tous les deux ont réagi à l’actualité avec une conviction commune : il y a un combat spirituel à mener face à la violence. C’est dans un studio radiophonique, à RMC, où ils sont chroniqueurs, que Mohammed Chirani et Patrice Gourrier se sont rencontrés. ­Mohammed Chirani a été délégué du préfet pour les quartiers sensibles de Seine-Saint-Denis de 2009 à 2013. Il est l’auteur de Réconciliation française. Notre défi du vivre ensemble, paru en janvier 2014 (éditions François ­Bourin). À 37 ans, il est l’un des représentants de cette nouvelle génération désireuse de conjuguer islam et laïcité, spiritualité et action. De former aussi les jeunes musulmans à une vision juste de l’islam. Prêtre du diocèse de Poitiers, Patrice Gourrier, psychologue clinicien, anime un centre de méditation. Soutenu par La Vie, leur appel pour jeûner ensemble a été très vite rejoint par le rabbin Avraham Weill et le moine bouddhiste Matthieu Ricard.

Pourquoi lancez-vous cet appel ?

Patrice Gourrier : Face à l’horreur des attentats de Paris, mais aussi des événements plus récents comme l’exécution du pilote jordanien, il me semble nécessaire d’évoquer la question du mal. Chez les catholiques, le diable – que l’on appelle aussi le diviseur – est celui qui se met en travers, non seulement de notre relation à Dieu et des échanges entre êtres humains, mais aussi en travers de nous-mêmes. Les Pères du désert nous enseignent que l’un des moyens de mener le combat intérieur contre le diviseur consiste à jeûner. L’idée m’est ainsi venue de proposer cette démarche aux côtés des autres religions, qui la pratiquent toutes.

Mohammed Chirani : J’ai tout de suite adhéré à ce projet de jeûne porté par les grandes traditions religieuses. Chez nous, aussi bien en France qu’en Algérie, où j’ai vécu dans ma jeunesse et appris l’arabe, il occupe effectivement une place centrale. Nous nous abstenons de nourriture et d’eau durant les journées du mois du Ramadan, mais aussi le dixième jour après le début de l’année selon le calendrier de l’islam, en souvenir du moment où Dieu a libéré les juifs de l’esclavage de Pharaon. C’est pour cela que je suis heureux de pouvoir prendre cette initiative auprès de l’ensemble des fils d’Abraham.

En quoi est-ce important de jeûner dans la situation tendue que nous vivons actuellement ?

M.C. Quand nous nous privons de boire et de manger, du matin au soir, notre corps s’affaiblit, nous pensons davantage à Dieu, nous sommes moins ­rattachés à la terre et à la matière. Nous devenons plus forts spirituellement et pouvons contenir notre colère. Cette maîtrise me semble vitale pour nous aider à faire face aux événements actuels.
Les chrétiens le perçoivent-ils aussi
comme une force ?

P.G. Tout à fait. Relisons les tentations du Christ au désert et notamment la première qui évoque la faim corporelle. Le diable lui lance : « Si tu es Fils de Dieu que ces pierres se transforment en pain. » Jésus répond alors : « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » Dans cet échange, nous passons d’un registre physique à une dimension plus spirituelle. Se priver de nourriture affaiblit le corps et atténue les passions qui nous divisent. Cette transformation en chacun de nous suscite des évolutions collectives.

Dans l’islam cette dimension communautaire compte-t-elle aussi ?

M.C. Effectivement, le jeûne nous ouvre aux autres, il nous amène notamment à devenir plus généreux vis-à-vis des pauvres. Lorsque nous avons faim, nous éprouvons ce que ressentent ceux qui n’ont pas accès à la nourriture. Nous prenons conscience que nous appartenons à une communauté où sont présents les nécessiteux avec qui nous devons partager.

P.G. Dans le livre d’Isaïe (58, 7), Dieu dit : « Le jeûne qui me plaît, c’est partager son pain avec celui qui a faim, héberger les pauvres sans abri… » Il ne faut pas concevoir le jeûne comme une privation, mais comme une autre manière de donner, de s’abstenir de toutes les passions qui nous dévorent pour nouer une relation plus juste avec les autres. Il s’agit de retrouver la joie du partage.

Vous insistez tous les deux sur la dimension spirituelle. Qu’apporte-t-elle par rapport à des jeûnes thérapeutiques ?

M.C. Il y a un hadith qui explique que « toutes les adorations, la prière, l’aumône, vous les faites pour vous, mais il y a une seule chose qui va directement à Dieu : le jeûne ». Toutes les autres adorations sont visibles. Par contre, personne ne peut savoir si vous ne mangez pas, cela ne regarde que vous et Dieu.

P.G. Le jeûne nous touche au plus intime de notre existence. Le Christ conseille de se cacher lorsque nous jeûnons. Chez les chrétiens, il s’arrête à la fin de l’après-midi pour que l’on puisse aller dîner avec des amis sans se vanter de sa pratique !

Concernant l’appel, vous laissez chacun libre de choisir le jour, pourquoi ?

P.G. Traditionnellement, les catholiques sont invités à se priver de nourriture plutôt le vendredi, jour de la crucifixion du Christ, mais aussi le mercredi, jour où Judas a trahi Jésus. En tout cas, ils ne doivent pas l’effectuer le dimanche.

M.C. Les musulmans le font plutôt le lundi et le jeudi, pas le vendredi. Les juifs, de leur côté, ne souhaitent pas que ce soit durant le shabbat, le samedi. Alors nous avons décidé de laisser chacun libre de choisir le jour qui lui convient afin de répondre à cet appel tout au long de la semaine !

Avraham Weill : « Il est de notre devoir d’unir nos forces »

© Bruno Levy pour La Vie
© Bruno Levy pour La Vie

Avraham Weil, rabbin de Toulouse, est membre du Consistoire.

« Dans le judaïsme, le jeûne est très présent, Nous pratiquons principalement le jeûne de Kippour et six autres qui font référence à des moments douloureux de l’histoire du peuple juif. Le jeûne est une invitation à réfléchir sur notre condition humaine, à une prise de conscience, parfois à la repentance, mais il ne vise pas nécessairement à combattre un mal ni à lutter contre les divisions. Les jours de jeûne, qui ne sont jamais des samedis en raison de shabbat, nous ne mangeons rien, et nous adoptons une attitude d’introspection et de contrition, sans notion de souffrance ou de mortification. En revanche, une manière de mener un combat spirituel collectivement est d’organiser de grands repas festifs qui rassemblent : en élevant la matière, on la sanctifie, c’est-à-dire en faisant de ces moments purement matériels des moments de spiritualité extraordinaires. Le judaïsme est une manière de vivre.

J’ai accepté de signer cet appel contre la violence et la division, parce que tout ce qui peut apporter plus de fraternité, apaiser ou faciliter le rapprochement est à soutenir. Ces actions communes doivent s’inscrire sur le long terme. Avec les rassemblements du 11 janvier, une étincelle a été allumée ; après l’émotion, il ne faut pas que le feu s’étouffe.

Ces événements se sont déroulés dans la continuité de ce qui se passe depuis longtemps en France. Il y avait eu des signaux, dont la fusillade de Merah à Toulouse, où alors nous avions été seulement 7000 à manifester, dont 90% de juifs, le 25 mars 2012 dans la ville rose, alors que trois militaires avaient été assassinés ainsi qu’un professeur et trois enfants. Il est de notre devoir d’unir nos forces afin de montrer au monde entier que les valeurs que nous portons et que nous cultivons ne peuvent pas nous amener à nous haïr et à semer la discorde, mais, au contraire, à conduire à plus de tolérance et de respect. Même si nous ne partageons pas les mêmes convictions, nous sommes toutes et tous les créatures du Dieu unique, attachés par-dessus tout à la fraternité, socle de notre République. Cette initiative vient prolonger l’esprit salutaire du 11 janvier. »

Matthieu Ricard : « Agissons pour un altruisme durable »

© Bruno Levy pour La Vie
© Bruno Levy pour La Vie

Moine bouddhiste, Matthieu Ricard est auteur de Plaidoyer pour l’altruisme, la force de la bienveillance (Pocket).

« Le bouddhisme a plutôt tendance à privilégier au jeûne – « Nyoung-Né », en tibétain –, la frugaliteé et le non-attachement à la nourriture, aux vêtements et aux biens matériels, en général. Il existe cependant une tradition, assez répandue chez les laïcs, mais aussi chez les moines et surtout chez les nonnes, qui consiste à jeûner en groupe pendant deux jours et à se placer dans une attitude de compassion envers tous les êtres en chantant des mantras. Cette pratique spirituelle a été initiée au XIe siècle par la nonne bouddhiste du Cachemire, Lakshmi. C’est après avoir eu une vision du bouddha de la compassion, Avalokiteshvara, doté de 1000 bras, 1000 yeux et 11 têtes, que l’ancienne lépreuse en formalisa les principes par écrit.

Beaucoup plus rare, la pratique yogique durant laquelle les méditants très avancés renoncent à la nourriture classique pour « se nourrir », dans leurs visualisations, de l’essence des éléments et de la nature : des fleurs, du ciel, des pierres… Personnellement, je n’ai fait cette expérience que deux fois, dont une en Thaïlande, pour accompagner un de mes frères malades. Mais après la tragédie de Charlie Hebdo, il me semble plus que jamais utile de rassembler toutes les religions autour d’une même cause, celle du respect mutuel, de la tolérance et de la bienveillance. En jeûnant collectivement, on met en exergue l’impérieuse nécessité de remédier aux inégalités sociales et d’instiller davantage de solidarité entre les populations, au-delà de l’émotion du moment. Une déclaration par l’action en faveur d’un altruisme durable. »

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Communiqué

 

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La non-violence est la loi de l’espèce humaine comme la violence est celle de la brute. (…) La dignité de l’homme exige de lui l’obéissance à une loi supérieure, à la force de l’esprit.
Gandhi

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